Bonsoir mes cousins de germain,

Bonsoir mes belins, belines,

 

Je v’as vous bajafler un tant soit peu en yonnais, un patrigot que j’ai concocté à l’esqueprès pour le jor d’aujourd’hui des Retrouvailles, pace que nos parents y faisaient tous partie des Amis de Guignol. Les ceusses qui sont pas de Yon, si y comprennent pas tout, y z’auront qu’à demander des explicances.

 

Je v’as donque japiller à c’t propos d’une réunion de famille qu’avait lieu, censément tous les ans, pice que c’était le lendemain qu’l’année fait patacul. Pour rien vous cacher c’était le Jour de l’An. Figurez vous mes cadets, qu’on s’retrouvait tous de collagne, les 30 cousins de germain, les parents et pi quelques cousins un peu plus éloignés, au 137 du boulivard de la Croix Rousse, dans la cambuse de notre Bonne Maman. La veille, Albert et Léon allaient préparer pour la réception de tout ce cuchon de monde. Y z’enlevaient les cloisons de l’alcôve, y déplaçaient les meubles, y mettaient de côté tout ce qui craignait pace qu’avec les gones tarabâtes qu’y a dans la famille, y valait mieux prendre ses précautions. Enfin brèfle, ça f’sait tout un sicotis, c’était un vrai déménagement de Guignol.

 

Ce matin là, nous, on s’décochonnait et on s’ décrassait du cotivet aux clapotons et lycée de Versailles. C’est qu’faut qu’j’vous dise y fallait pas rien qu’on s’ressemble à des marque-mal ; y fallait pas qu’on y aille tout mal goné, ou tout déguenillés. Alorsse on s’mettait sur notre 31, vu qu’on était le 1er.

 

Nous, les filles on enfilait nos grollons vernis du dimanche, mais, pensez donque, le soir, on avait nos clapotons tous petafinés d’être restées pique-plante toute la sainte journée. Les gones, enfin les ceusses qu’avaient nos âges, y se bambanaient avec leur chemise blanche et leur nœud papillon à élastique ; ah y z’étaient pas peu fiers, sauf quand y avait un grand dadet qui s’amusait à tirer d’ssus, alorsse y z’avaient le corgnolon tout à r’gonfle. Brèfle, on était des p’tits mamis bien présentâbles quoi !!

 

Pi, on débaroulait su le Boulivard de la Croix Rousse et faut vous dire que notre Bonne Maman, elle habitait au 4éme étage !!. Mais pas des étages des HLM de matenant, non des étages de canuts ; d’ailleurs, de nos jours au prix du mètre carré, y coupent l’étage en 2 et y font deux cambuses au lieu d’une !!.

Alorsse, on enquillait tout le cuchon d’escayers. Oh !! j’ai jamais pu compter tellement qu’y en avait. Pensez donque dans ces autrefois, on n’avait pas de monte en l’air. Alorsse des fois, on s’arrêtait dans les entresols pour faire semblant d’apincher dans la cour, mais comme c’était à ciel ouvert y avait des courants d’air, et ça faisait froid à vous geler le cotivet, c’était même des coups à attraper le bocon. Alorsse on montait le reste en courant et on arrivait devant la porte palière. Là, on attendait les autres, on était tout mouillé de chaud, et on avait les fumerons en quille d’osier. Vous savez pas, et ben on avait pas b’soin d’équarquiller nos agnolets sur la plaque dorée, pace qu’au brouhaha et au sicotis qu’on entendait, on était ben sûr d’être au bon endroit.

 

Et bin, mes belins, belines, tout ce cuchon de monde qui bajassait, qui bougrassait, on se s’rait cru à la vogue de la Croix Rousse. On sonnait, et le petit mami qui s’trouvait derrrière la porte ouvrait, et on entendait « C’est Albert !!!!! ». Alorsse on s’faisait p’ter la miaille à qui mieux mieux, et on disait manquâblement, « Bonne année, bonne santé » et les plus démenêts des gognands répétaient en chœur « Et la goutte au nez tout’ au long de l’année ».

 

Comme de bien s’accorde, on pouvait pas s’pendre, le porte-manteaux était déjà tout à r’gonfle, alorsse on mettait nos manteaux tout en cuchon-crème sur le bardanier de tante Jeannette. Et pi là, dans sa pièce, elle nous donnait à chaque petit bozon, un cadeau tout bien empaqueté, aque notre p’tit nom ben collé dessus. Pi, on allait remercier notre Bonne Maman, qui était assise dans son fauteuil, entre son chevalet de peinture et son piano.

Pi, y arrivait le moment, que je craignais. Figurez-vous que chaque petit mami devait réciter un poème, chanter, ou jouer un morceau de piano, de flûte, ou de violon …, et alorsse la récompense c’est qu’ on avait droit à un nougat que tonton Georges ramenait de Montélimar. Mais, moi, rien qu’d’y penser j’avais les canilles en tiges de pâquerette. C’est qu’y faut que j’vous dise que c’était pas le moment de faire le guignol, y fallait se tenir tranquille comme Baptiste. Pensez donque, devant tout ce cuchon de tatans, de tontons, de cousins de germain, de cousins plus éloignés et céleri et célera, ça faisait pas moins de nonante huit quinquets qui vous r’luquaient en même temps. C’avait d’quoi vous donner la dysenterie c’taffaire là !! 

 

Je m’rappelle de mon cousin Vincent, qui était un peu timide comme moi, y récitait tellement doucement, que même en écarquillant les z’ireilles, on n’entendait pas ce qu’y racontait. Mais quand on voyait plus ses babines trembloter comme de la gélatine, c’est qu’y avait fini, et tout le monde applaudissait. D’autres que z’avaient pas peur du monde, y z’y r’tournaient plusieurs fois, pour sûr, pour les nougats bien disposés sur un plateau d’argent sur la belle nappe blanche brodée.

 

Et pi, on entendait des voix d’opéra, c’était Marcel et Alexandre, les deux frères Dubois qui entamaient leur répertoire et nous avions droit à l’inoubliable « Chemise Rose » ou « Les jeunes filles de Bonne Famille ». Des fois Bonne Maman acceptait de jouer au piano, et elle nous interprétait des valses et le fameux « Quadrille des lanciers ».

 

Et pi après, on pouvait aller jouer à la Clef de St Georges ou au furet, dans le vestibule et on rigolait bien tout en f’sant beaucoup de bruit. La voisine du dessous, Madame Diézi, se disait : « Mais qu’est ce qu’y traficote au dessus, y z’ont pas bientôt fini de brassouiller, de bougrasser et de sigroler. »

Et pi des fois, on en faisait pis que pendre ; vous savez ben ça que c’est, les gones, y z’ont le diable au corps. On défaisait la corde de l’immense séchoir à poulies dans la cuisine, et tout par un coup, le séchoir, tout en bois, débaroulait de toute la hauteur du plafond pour s’abouser de par terre.

  

Manquâblement, tante Jeannette arrivait en gongonnant « Cest pas Dieu poss !!!, y vont ben me faire tourner mon sanque en eau d’javel ces galapias, et à forsse de brandigoler c’t affaire vous allez tout me le détrancaner». Nous on disait qu’c’était tombé tout seul et qu’on était quasiment sage comme des petits jésus en sucre.

Pi, elle en profitait pour sigogner la cuisinière aque le pique-feu et mettait quelques boulets de charbon aque sa petite pelle. Nous, on l’a regardait faire sans rien dire.

Des autres gognands qui z’avaient envie d’voir les blagues du calendrier pendu dans la cuisine, débobinaient presque tout l’ephéméride, et notre tante Jeannette au soir du Jour de l’an s’rtrouvait déjà à Pâques. Pour les ceusses qui connaissent pas : le cousin Yves, y va pouvoir vous y montrer ce que c’était l’éphéméride, vu qu’y en a acheté un pour l’an que vient.

 

Pi, c’était l’moment de goûter. Nous on mangeait dans la cuisine, on avait droit à du pain aque des morceaux de chocolat du casino, bien pliés dans du beau papier d’argent et on buvait d’la bonne limonade Ferrant qui pique. Les grands Cadets, eux, y z’avaient droit au vin blanc, et des fois y z’en versaient un peu dans les verres des p’tits qui réclamaient aque leur limonade.

Et ben, mes cadets, j’en connais qu’y s’en lichaient les babines jusqu’à la dernière gotte. On mangeait aussi des gâteaux et des tartes que les mamans avaient faits et du pain d’épice de la tatan Marie, c’était bon à s’en licher les 5 doigts et le pouce . Quand j’m’ remue l’souvenir, je m’rappelle que tante Jeannette brune, elle, elle faisait des fruits déguisés, à la pâte d’amande.

 

Pi les grands gognands y z’avaient envie de l’ver la piotte, et de se bambaner un tant soit peu, alorsse discrètement, y s’décanillaient à cha peu, pour soit-disant prendre l’air su le Boulivard, mais en fait y z’allaient apincher et bornicler la télévision derrière les vitres du Grand Café de la place des Tapis. Mais y nous y disaient pas, ce qu’y faisaient quand y faisaient leur viron, c’est que matenant qu’on le sait. Ah qu’y z’étaient ben démenêts ces grands caquenanos.

Pi, y commençait à s’faire tard, on retrouvait les p’tits miaillons tout abouchonnés sur les puciers ou sur les coussins, les autres avaient les quinquets qui se fermaient tout seul, il était temps de s’décabanner. Alorsse, comme de bien s’accorde, on s’relichait la vitrine encore une fois, mais c’t fois-ci on était tout mâchuré et tout bavasseux et ça collait un tant soit peu.

 

On avait passé une bien chenuse journée, qui valait bien son pesant de grattons. Allez matenant, j’vas arrêter de dégoiser des gognandises, j’vais finir mon japillage, mais y avait tout un cuchon de choses que j’pouvais pas laisser de coin.

J’vous la coque.

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Auteur : Marie-T. Gontier   Edition tirée en 28 exemplaires

Achevé d’imprimer sur les presses de l’Isle Barbe  le 15 octobre 2004

Tous droits de traduction, de reproduction, et d’adaptation réservés pour tous pays.